Mal au dos : ma douleur provient-elle de mon articulation Sacro-Iliaque ?

Traduction de “BACK PAIN – IS IT COMING FROM MY SACROILIAC JOINTS?”, Dr Monica Gauci le 4 décembre 2019, chintamaniyoga.com

L’évolution de la hanche et du pelvis des hominidés : bipédie, parturition, croissance, allométrie, Christine Berge, Collection : Cahiers de paléoanthropologie, 1993, BnF – Gallica

Je reçois souvent des e-mails de yogis me demandant de l’aide concernant des douleurs au dos. Sans examens physique, il est difficile de diagnostiquer précisément l’origine de la douleur. Cependant, des informations spécifiques permettent de différentier les douleurs causées par l’articulation sacro-iliaque de celles causées par les disques intervertébraux ou encore par les articulations entre les arcs vertébraux.

Pouvoir déterminer s’il y a ou non un problème au niveau des disques est déjà un pas important sur la voie de la guérison. En identifiant la source de la douleur nous pouvons éviter les postures aggravantes et inclure à la pratique une thérapie appropriée pour répondre spécifiquement au problème.

L’ancienne classification des « lombalgies non spécifiques » est un concept dépassé qui n’a plus de justification. Si l’on observe la prévalence ou les pré-tests des sources probable des lombalgies, les statistiques indiquent à 40% un problème au niveau des disques lombaires, 30% au niveau de l’articulation des arcs vertébraux lombaire et à 22% de l’articulation sacro-iliaque (SI). Ces proportions changent en fonction de l’âge, les douleurs articulaires augmentant et les douleurs discales diminuant avec l’âge. Il existe bien sûr d’autres sources de lombalgie qui sont moins fréquentes et parfois plus graves.

Dans la population générale, les douleurs articulaires SI sont plus faibles que les autres sources de lombalgies, mais elles sont relativement élevées au sein de la population des yogis. Cela est en partie lié à la façon dont nous exécutons certaines postures en apparence inoffensives ; au fait que nous poussons nos articulations à des amplitudes de mouvement extrêmes ; et aussi parce que de nombreuses personnes hyper-mobiles sont attirées par le yoga.

L’hyper-mobilité fait référence à un degré de laxité des ligaments supérieur à la normale. Ce sont nos ligaments qui maintiennent et stabilisent nos os ensemble au niveau de nos articulations. L’articulation sacro-iliaque chez la plupart des gens est consolidée par son aspect cunéiforme et l’ondulation osseuse, mais peu de muscles la traversent et sa stabilité dépend essentiellement de la stabilité passive fournie par les ligaments. C’est pour cette raison que la douleur et l’instabilité de l’articulation SI sont des problèmes récurrents chez les femmes durant la grossesse. En effet, la pression exercée par une charge de plus en plus importante et la sécrétion de l’hormone relaxine favorisent le relâchement des ligaments pelviens. Ce problème peut s’aggraver chez les femmes multipares.

La douleur sacro-iliaque peut survenir à tout âge chez les personnes adultes. L’articulation SI est également le premier site d’inflammation chez les personnes atteintes d’arthrites inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, etc.). Dans ces cas, les douleurs s’accompagnent généralement d’une sensation de raideur le matin qui peut durer jusqu’à 30 minutes après le réveil provoquant une douleur imprévisible, vive et variable.

L’articulation SI est une structure très innervée et sensible à la douleur avec des entrées nerveuses de L2 à S3. Ses ligaments ont également des relations avec de nombreux muscles et fascia du bassin, des jambes et du tronc. C’est pourquoi un dysfonctionnement de l’articulation SI peut avoir des répercussions profondes dans tout le corps, y compris au niveau des épaules, de la mâchoire ou encore du crâne. Sans trop revenir sur l’anatomie, je vais plutôt développer le pourquoi des signes et symptômes du dysfonctionnement articulaire SI. Comprendre est le moyen le plus simple de se souvenir et donc d’identifier le problème. Cela vous permettra également de gérer intelligemment le problème et, espérons-le, d’éviter qu’il ne se reproduise.

Douleur articulaire sacro-iliaque

Lorsque l’articulation SI est la source de la douleur, elle n’est généralement pas ressentie au-dessus de L5 (la vertèbre lombaire la plus basse). Au lieu de cela, la douleur est proéminente juste sur l’Épine Iliaque Postéro Supérieure (la saillie osseuse à l’arrière de votre bassin ou EIPS). En fait, lorsqu’on demande «Où se situe exactement la douleur?» la personne pointera souvent son doigt très précisément à moins de 1 cm de l’ EIPS (voir étoile rouge sur l’image ci-dessous). C’est ce qu’on appelle le Signe du Doigt de (test de) Fortin et, lorsqu’il est réitéré deux fois, il est considéré comme un indicateur raisonnablement fiable de la douleur provenant de l’articulation SI. Généralement ressentie comme une «douleur sourde», celle-ci peut aussi bien survenir après un incident spécifique ou apparemment de nulle part.

La douleur articulaire SI survient parce que l’alignement entre le sacrum et l’ilium n’est plus optimal et que la fonctionnalité est compromise. L’amplitude de mouvement de cette articulation est minimale mais impérative pour que le transfert de charge puisse se faire de manière douce et équilibrée depuis les pieds, à travers le bassin et jusque dans la colonne vertébrale.

Même en cas d’hypermobilité, le sacrum peut se coincer dans l’articulation de diverses manières. Ceci est souvent accompagné d’une forme de torsion du bassin lorsqu’une partie se déplace vers le haut et vers l’avant alors que l’autre partie se déplace vers le bas et vers l’arrière. Ce mouvement crée un stress au niveau des ligaments articulaires SI et la douleur ressentie sous EIPS est liée à l’étirement sur la face postérieur des ligaments du côté du bassin qui s’est déplacé vers l’avant. En réaction et pour protéger l’articulation, des spasmes peuvent survenir dans les muscles environnants renvoyant la douleur dans le bas du dos, dans la fesse, dans l’aine, dans la cuisse, au genou, au mollet et au pied. Les genoux en particulier ont une relation étroite avec les articulations SI dont ils dépendent pour leur propre stabilité.

Facteurs aggravants

Les facteurs qui aggravent la douleur permettent aussi de confirmer si elle provient bien de l’articulation SI. Certains mouvements ont tendance à stresser la fonctionnalité de l’articulation comme, par exemple, lorsque l’on passe de la position assise à la position debout. Lors de cette transition les deux ilions doivent se déplacer sur le sacrum pour changer la position du bassin par rapport à la colonne vertébrale. Outre la douleur, une sensation de «blocage» se fait parfois ressentir lors de la transition. Dans certains cas extrêmes, la personne aura besoin d’appuyer ses mains sur ses genoux pour pouvoir se remettre debout. C’est parce que le muscle psoas qui traverse l’articulation SI est raccourci lorsque l’articulation est coincée. Le psoas est également statique et raccourci en position assise. Lorsque l’on se redresse et que l’on tente de l’allonger, le mouvement est lent et douloureux.

Comme l’articulation SI transfère le poids de nos pieds à la colonne vertébrale via l’articulation de la hanche, les mouvements qui isolent le côté bloqué peuvent exacerber la douleur comme par exemple lorsqu’on travaille longtemps en équilibre sur une jambe. Les cours de Vinyasa Yoga où une longue séquence de postures différentes est effectuée sur la même jambe sont une source courante de problèmes articulaires SI. Même la marche qui normalement agit comme un lubrifiant sur l’articulation peut donner le sentiment d’aggraver le problème. En effet, marcher implique de se retrouver debout sur une jambe de manière intermittente ce qui provoque un stress supplémentaire lorsque l’articulation est enflammée.

Dans la pratique de yoga, les mouvements d’ouverture de la hanche, lorsqu’ils ne sont pas isolés de l’articulation SI, sollicitent les ligaments SI. Par exemple, lors de l’ouverture des hanches dans toutes les flexions avant asymétriques telles que Janu Shirsasana A, Marichyasana A, Supta Padangustasana, etc., il est important de séparer l’action de l’ouverture de l’articulation de la hanche de la flexion avant du bassin.

Lorsque vous vous penchez vers l’avant, vous devez déplacer les deux côtés du bassin ensembles vers l’avant. Par exemple dans Janu Shirsasana A, si votre hanche droite s’ouvre, assurez-vous d’amener également le côté droit du bassin vers l’avant avec le côté gauche lorsque vous vous penchez vers l’avant. Vérifiez que vous ne laissez pas la hanche à l’arrière avec la jambe que vous ouvrez. Si c’est le cas, vous étirez les ligaments à l’avant de l’articulation SI ce qui finira par la déstabiliser. Les ligaments sont nos stabilisateurs profonds et ne doivent pas être étirés.

En général, un étirement des ligaments sacro-iliaque provoquera une irritation même s’il l’on n’a aucune sensation sur le moment comme par exemple lorsqu’on aligne les hanches dans les torsions (Parivritta Trikonasana, Marichyasana C, etc.), lorsque le talon du pied arrière est au sol dans Virabhadrasana A ou Parivtitta Parshvakonasana ou encore tout simplement lorsqu’on s’assoit en croisant les genoux. Des ligaments trop étirés auront besoin au moins de 6 semaines pour guérir sans jamais retrouver ni leur force ni leur solidité initiale. Lorsque l’articulation est très instable, une compression avec une ceinture est parfois nécessaire pour la soutenir. C’est souvent ce qui se produit dans les cas d’instabilité SI pendant la grossesse.

Thérapie pour l’articulation SI

Il existe de nombreuses techniques pour mobiliser le sacrum, équilibrer le bassin, relâcher les muscles psoas et piriformes tendus et renforcer les muscles de soutien et le fascia – trop nombreuses pour être couvertes dans un seul blog. La thérapie la plus active et préventive vise à soutenir le rôle de stabilisation des ligaments en augmentant la force de fermeture de l’articulation SI. La part la plus importante de cette action est réalisée par les nombreux muscles qui convergent vers le fascia thoraco-lombaire incluant les muscles profonds stabilisateurs de la colonne vertébrale : érecteurs du rachis, les abdominaux profonds, le grand glutéal (grand fessier) et le grand dorsal.

Ils aident à renforcer le bas du dos et contribuent ainsi de manière significative à la stabilité active de l’articulation SI. Les fascias qui relient le muscle grand dorsal au grand glutéal opposé fournissent également un soutien fonctionnel à l’articulation. C’est souvent l’inhibition de ces muscles qui provoque des douleurs articulaires SI. Mon exercice préféré pour cibler la force de soutien à l’articulation SI est ce que j’appelle Salabasana (posture de la sauterelle) nageuse (voir l’image ci-dessous). Allongé sur le ventre avec vos coudes au moins à la hauteur des épaules, décoller le bas du ventre du sol pendant que vous engagez Uddiyana Bandha. Soulevez un peu votre jambe gauche pour engager les muscles fessiers. Il ne s’agit pas tant de la hauteur à laquelle vous soulevez la jambe que d’activation musculaire. Sans bouger votre main, tirez le bras droit vers votre hanche droite pour engager le grand dorsal – comme si vous nagiez!

Tenez pendant quelques secondes et contrôlez la descente de votre jambe. Changez de côté, synchronisez les deux mouvements entre eux et avec votre respiration. Répétez jusqu’à dix fois de chaque côté. Lors de la dernière répétition, soulevez les deux jambes en même temps pour sceller les deux articulations SI. Terminez avec Balasana en arrondissant exagérément le bas du dos.

Au-delà des indicateurs mentionnés ci-dessus, un thérapeute musculo-squelettique peut effectuer une série de tests orthopédiques provocateurs pour confirmer un diagnostic définitif de dysfonctionnement articulaire SI. Jusque-là, au moins une absence de douleur centrale ou axiale inférieure à L5 permet d’exclure la piste du problème discale. Dans le prochain blog, nous examinerons la douleur discale avec et sans compression des racines nerveuses. Jusque-là…

Namasté
Monica Gauci

Traduit de l’anglais par Amina Mokrane


DePalma, M. J. (2015). Diagnostic Nihilism Toward Low Back Pain: What Once Was Accepted, Should No Longer Be. Pain Medicine (Malden, Mass)
Nicholson, A, (2019). Module 2, Spinal Diagnosis, Lumbopelvic. Chiropractic Development International, Clinical Training and Communication Program.


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